"Malevil" (français)

"Malevil est un film franco-allemand de science-fiction post-apocalyptique de Christian de Chalonge sorti en 1981, librement adapté du roman éponyme de Robert Merle. L'histoire se déroule au début des années 1980, un beau jour ensoleillé vers la fin de l'été, dans un petit hameau du nom de Malevil situé dans le sud-ouest de la France. Le facteur et sa Citroën 2CV fourgonnette siglée PTT vient distribuer le courrier comme chaque matin avant de continuer sa course. Le personnage principal, notable viticulteur, réunit dans sa cave le maire, le pharmacien, plusieurs cultivateurs, commerçants, la très vieille grand-mère et un simple d'esprit. Il faut débattre de l'emplacement d'un lampadaire dans l'une des rues du bourg. Soudain, le petit poste de radio qu'écoute le benêt ne capte plus aucune fréquence. Quelques instants plus tard, une intense et très longue explosion retentit ainsi qu'un violent éclair, qui irradie sous la porte d'entrée du sous-sol. L'extrême bruit, la chaleur considérable, l'humidité qui suinte des murs et fait bouillir les bouteilles de vin les assomment tous. Sortant peu à peu de leur léthargie sans dire un mot, ils contemplent leur nouvel univers où rien ou presque ne subsiste. Des explosions nucléaires semblent avoir ravagé toute la région, voire tout le pays. Leur nouvelle existence est faite d'isolement, d'entraide, de recherche de nourriture et de violence."

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Comme dans Threads ou dans The Day After, la jouissance esthétique est au rendez-vous dans Malevil.  Il ne sert à rien de le nier. Les décors sont magnifiques, comme tirés d'un tableau ou d'un rêve, et on se surprend à trouver ce monde-là attrayant, non pas malgré les ruines mais à cause d'elles.

Car, c'est la spécificité du film, ces ruines-là ne sont pas une fin, elles sont un commencement, une promesse. Celle d'une vie plus calme. Plus libre. Plus silencieuse. Un monde moins peuplé, où l'on peut à nouveau s'étendre, un monde à conquérir (et en cela Malevil lorgne vers le western).

Un monde, également, aux relations sociales, à la structure sociale, simplifiées, retournant aux fondamentaux. Un nouveau moyen-âge. Ce n'est pas pour rien que Malevil se passe autour d'un château ; pas dans un HLM ou un camp de réfugiés.

 
 

Le film entier baigne dans une ambiance hors du temps, flirtant avec le merveilleux. Un château, un idiot du village, une vieille femme édentée, une superbe jument blanche, une jeune aveugle qui recouvre la vue ; on est dans le domaine du conte plus que de la dépiction réaliste et froide d'un monde post-nucléaire.

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Là où Le Meilleur des mondes décrivait un futur somme toute crédible fait d'antidépresseurs et de reproduction humaine entièrement pilotée par la Technique, Ravage rejoignait in extremis le domaine du conte moral et du merveilleux néo-primitiviste où la fin du monde débouche sur un nouvel Eden écolo et polygame.

De la même manière, là où The Day After et, plus encore, Threads font preuve d'un réalisme glacial et quasi-documentaire sur la fin absolue du monde qu'apporterait un conflit nucléaire, l'adaptation du roman de Robert Merle développe une poste de post-apocalyptique idyllique ; les personnages sont, pour l'essentiel, des gens civilisés et bien intentionnés, courageux, résilients comme disent aujourd'hui les salauds. En dehors du Commandant et de ses velleités dictatoriales, tout va bien. Pas de radiations, pas de famine, pas de maladies.

La fin du film est même plus optimiste que celle du roman : la guerre atomique n'a apparemment pas détruit le monde entier ni toute forme de société avancée, et des hélicoptères inattendus, inespérés,  et à vrai dire un peu importuns, arrivent un beau matin pour évacuer Emmanuel Comte et ses compagnons. 

Plus optimiste... en théorie. Car en réalité cette dernière scène est effroyable : la petite communauté a survécu, miraculeusement, à la guerre elle-même, puis au choc psychologique, à la famine, et à l'affrontement avec un autre groupe. Le soleil revient, le blé pousse, l'arrivée de femmes en âge de procréer évoque la possibilité de futures naissances...

Et voilà que cette liberté toute neuve, cet état de sauvagerie paisible, se retrouvent annulés, confisqués ; la récréation est sifflée par des militaires aux voix métalliques, dans des hélicoptères assourdissants, qui évacuent toute la petite communauté sans lui demander son avis.

Ceux qui ont détruit le monde continuent à faire la loi dans les ruines.

Il n'y aura jamais de fin à la domination, il n'y aura pas d'Eden post-atomique.

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