Campagne fantôme / Ghostly countryside

J'ai rendez-vous avec F. à un endroit précis, et quand j'arrive à l'entrée du village, je la vois ; elle marche sur la route, dans ma direction. Nous avions rendez-vous pour participer ensemble à cette marche populaire. Il y a des centaines de participants, des voitures garées partout, d'autres qui manoeuvrent, ainsi que des motards, des équipes de la presse, des stands d'organisateurs un peu partout, etc ; cette foule et cette activité me surprennent assez et me font voir d'un autre oeil cette campagne plate, fantôme, habituellement déserte, que je ne parcours qu'en voiture quand je rentre chez mes parents pour les vacances.

Nous nous insérons parmi les marcheurs et parcourons plusieurs kilomètres, presque en silence, elle et moi, dans le village même puis sur des chemins de terre au milieu du no man's land.

Il y a quelque chose d'archaïque là-dedans. Le souvenir génétique d'une campagne vivante, bondée, grouillante, même ; des fantasmes de peuple en marche, comme dans les scènes de la Bible ou peut-être de certains contes de fées. Quelque chose qui peut ressembler aussi bien à un meeting fasciste qu'aux scènes de la Libération. Quelque chose de dionysiaque, qui brise le morne ordre quotidien où chacun est terré chez soi, où tout est statique et silencieux.

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I'd arranged to meet F. at a specific place, and when I got to the village entrance, I saw her walking along the road in my direction. We had arranged to take part in this popular march together. There are hundreds of participants, cars parked everywhere, others maneuvering, as well as bikers, press crews, organizers' stands everywhere, etc. This crowd and this activity quite surprise me and make me see in a different light this flat, ghostly, usually deserted countryside, which I only travel by car when I go home to my parents for the vacations.

We insert ourselves among the walkers and cover several kilometers, almost in silence, she and I, in the village itself and then on dirt roads in the middle of no-man's-land.

There's something archaic about it. The genetic memory of a lively, crowded, even teeming countryside; fantasies of a people on the march, as in scenes from the Bible or perhaps certain fairy tales. Something that can resemble a fascist rally as much as scenes from the Liberation. Something Dionysian, shattering the dreary everyday order where everyone is holed up at home, where everything is static and silent.