Chants et danses du Pays Fantôme - Ha Lela - Pabudimas

Un souvenir de jeunesse me revient : le site web du Congrès Mondial des Religions Ethniques, que je consultais de temps à autre vers l’âge de 18 ou 19 ans, fasciné par les religions païennes encore bien vivantes dans certains pays (dans les pays baltes en particulier) et qui semblaient être l’affaire d’universitaires, d’intellectuels, de gens sérieux, bien au-delà des scènes musicales qui me passionnaient alors. Même aujourd’hui il me semble que, dans le milieu des religions païennes plus ou moins reconstruites, celles des pays baltes sont les moins déformées. Il est vrai que la Lituanie n’a été christianisée qu’au XIVe siècle, et probablement de manière très superficielle.

Pabudimas est, pardon pour ce cliché, une madeleine de Proust. L’album s’ouvre sur un chant féminin a cappella, sur fond d’oiseaux. Nature, solennité, traditionalisme. Vient ensuite une musique metal mélodique, où le clavier domine. Les mélodies très inspirées du folklore, évoquent un passé lointain, immémorial, à la fois joyeuses et nostalgiques, comme seul le folk sait mélanger ces émotions.

Les morceaux intègrent de nombreux instruments traditionnels baltes : flûtes, tambourins, guimbarde, ainsi que le Kanklės et le Gusli, deux sortes de cithares qu’on retrouve sous différentes formes dans toute l’Europe. La production est un peu lo-fi, le son semble lointain, étouffé, la réverbération est très marquée tout au long de l’album – sans doute pour donner plus de profondeur à la musique – et pour tout dire, cela ne dessert pas la musique de Ha Lela, mais renforce au contraire l’impression de passé, de mémoire immémoriale, à la fois indestructible et fragile, que procurent les morceaux de Pabudimas.

"Pabudimas" signifie "Éveil". J’imagine qu’il s’agit de l’éveil païen en Europe. Paradoxalement, cet album est une véritable invitation à la somnolence et à la rêverie – et le passé lointain que je revois sans cesse en écoutant ces mélodies n’est pas celui des forêts préchrétiennes, mais celui de mes propres vingt ans.

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A memory from my youth comes back to me: the website of the World Congress of Ethnic Religions, which I used to browse from time to time around the age of 18 or 19, fascinated by pagan religions still very much alive in certain countries – especially in the Baltic states – and which seemed to be the domain of academics, intellectuals, serious people, far removed from the music scenes I was so passionate about at the time. Even today, it seems to me that among the more or less reconstructed pagan religions, those of the Baltic countries are the least distorted. It's true that Lithuania was only Christianized in the 14th century, and probably in a rather superficial way.

Pabudimas is – pardon the cliché – a true Proustian madeleine. The album opens with a female a cappella chant, accompanied by the sound of birds in the background. Nature, solemnity, traditionalism. Then comes melodic metal music, with a strong emphasis on keyboards. The melodies, deeply inspired by folklore, evoke a distant, immemorial past, at once joyful and nostalgic, in the unique way that folk music has of blending such emotions.

The tracks incorporate many traditional Baltic instruments: flutes, tambourines, jaw harp, as well as the Kanklės and the Gusli, two types of zithers found in various forms throughout Europe. The production is somewhat lo-fi; the sound feels distant, muffled, and the reverb is heavy throughout the album – no doubt to add depth to the music—and to be honest, this doesn’t detract from Ha Lela’s music but rather enhances it, reinforcing the sense of the past, of immemorial memory, both indestructible and fragile, that Pabudimas conveys.

"Pabudimas" means "Awakening." I imagine it refers to a pagan awakening in Europe. Paradoxically, though, this album is a true invitation to drowsiness and daydreaming – and the distant past I see again and again when listening to these melodies is not that of the pre-Christian forests, but that of my own twenties.