Fragment 222

Avec la numérisation du monde on a pas seulement produit des fantômes de tous les objets qui nous entouraient et faisaient notre vie, on a rendu ces mêmes objets absolument caducs ; photos argentiques, lettres papier, cassettes audio ou vidéo, journaux intimes, ont disparu pour ne plus jamais revenir, et aucune mode, aucun revival temporaire n'y pourra rien.

Nous le déplorons mais il n’ y a pas de contradiction entre cette déploration et le fait que Pays Fantôme ne produise que des oeuvres numériques. Il serait illusoire et vain de prétendre ressusciter tout cela. Il faut que tout le monde le fasse ou bien personne ; on ne se relance pas seul dans une correspondance papier.

Ceux qui produisent encore des cassettes le font certes pour un public réel, de passionné, mais cela reste une pratique qui singe la vie d’avant, qui s'envoyer des lettres par la Poste ; une tentative de résister au mouvement général, de ralentir, au mieux, l'inéluctable triomphe du dématérialisé.

*

With the digitization of the world we have not only produced ghosts of all the objects that surrounded us and made our life, we have made these same objects absolutely null and void; silver photos, paper letters, audio or video cassettes, diaries, have disappeared never to return, and no fashion, no temporary revival will be able to do anything about it.

We deplore it but there is no contradiction between this deploring and the fact that Pays Fantôme produces only digital works. It would be illusory and vain to pretend to resurrect all this. It is necessary that everyone does it or nobody; one does not start again alone in a paper correspondence.

Those who still produce cassettes do so for a real, passionate public, but it remains a practice that apes the life of before, that sends letters by post; an attempt to resist the general movement, to slow down, at best, the ineluctable triumph of the dematerialized.