Il existe un topos du héros qui part errer dans des forêts enneigées et photogéniques pour oublier un drame intime, et qui s'y retrouve lui-même ou s'y perd définitivement.
Tout cela n'existe évidemment pas dans la réalité. Dans la réalité, dans la vraie vie, quand on va seul dans la forêt, que ce soit en été ou en hiver, que ce soit pour oublier ou pour se souvenir, on y trouve que l'essoufflement, la banalité de la nature et l'ennui. Il n'y a pas de d'errance ni de perdition poétique ou salvatrice.
Plus jeune j'aimais me promener dans la nature. Mais, à ma douloureuse découverte, plus le temps passe plus ça m'est insupportable.
Quand je marche sur un chemin de campagne, au bord d'un canal, ou sur un sentier de forêt, je ne me sens pas dans la nature ; je me sens simplement nulle part. Cette impression est plus pénible encore quand je m’enfonce dans la vraie nature sauvage.
J'ai réalisé au fil du temps que j’aimais les paysages où l'on aperçoit la présence humaine, les paysages modelés par l'homme ; le jardin plutôt que la forêt. Dans la nature sauvage je me sens comme un étranger perdu dans un paysage qui n'a rien à me dire et où je n'ai rien à faire. Je l'assimile de plus en plus à la mort, au néant, à l'insignifiance.
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There is a topos of the hero who goes wandering in snowy and photogenic forests to forget an intimate drama, and who finds himself there or loses himself there definitively.
All this obviously does not exist in reality. In reality, in real life, when one goes alone in the forest, whether in summer or in winter, whether to forget or to remember, one finds only breathlessness, the banality of nature and boredom. There is no wandering or poetic or saving perdition.
When I was younger I liked to walk in nature. But, to my painful discovery, the more time passes the more unbearable it is for me.
When I walk on a country road, along a canal, or on a forest path, I don't feel in nature; I just feel nowhere. This feeling is even more distressing when I go deep into the real wilderness.
I realized over time that I like landscapes where you can see the human presence, landscapes shaped by man; the garden rather than the forest. In the wilderness I feel like a stranger lost in a landscape that has nothing to tell me and where I have nothing to do. I assimilate it more and more to death, to nothingness, to insignificance.